mardi 3 novembre 2009

La fleur du souvenir




"Alors que la nuit s'évapore dans les douces couleurs froides de l'hiver urbain, il se souvient d'elle, de son regard triste, de son sourire, de sa folie et de sa vivacité. Il se souvient de la manière qu'elle a de passer ses mains dans ses cheveux pour légèrement se les ébouriffés, l'air de se donner un air aéré, aérien, éthéré. Il se rappelle encore l'odeur un peu poivrée de sa peau. Ses grands yeux brillants. Ca aussi, c'est un beau souvenir. Le contact de sa peau. Moins celui de son corps, il n'ose penser à son corps. Le bruit de ses pas sur les pavés mouillés, les claquements secs et saupoudrés de classe de ses hauts talons hauts.
Il se souvient de tout en longeant les chemins de mer, traçant leur voie et définissant les mondes dans cette ville endormie, qui ne partage son seul secret qu'avec lui. C'est réciproque. Il n'a rien eu à lui offrir mais son seul sourire fut suffisant, apparemment.
Dans cette partie du monde, il fait encore nuit, et il l'aperçoit. Elle sort des ténèbres en déliant lentement ses courbes, comme encore endormie, la voilà qui devient fleur, s'épanouit et lui dit merci.
Il cueille la fleur noyée dans la mer de ténèbres poisseuses d'une nuit encore présente dans les plis mal repassés d'une ville à l'agonie. Il la cueille et sait qu'elle est elle... et qu'il lui donnera à la prochaine occasion, la fleur de son souvenir."

dimanche 1 novembre 2009

A la terrasse d'un bon café




Deux amis se rencontrent chaque jour à la terrasse d'un bon café. Ils y discutent de rien et de tout, de leur vie, des amis, des autres amis qui ne sont pas avec eux aujourd'hui. C'est un rituel auquel ils s'adonnent avec plaisir. Le premier est professeur, le deuxième n'a pas de métier. Chaque jour, le professeur prend la même chose, un café crème avec deux sachets de sucre. Chaque jour, son ami prend une boisson chaude différente. Il aime le changement. Aujourd'hui est un jour un peu à part car c'est le dernier jour où le professeur et son ami vont se rencontrer à la terrasse d'un bon café.
Pour trouver l'explication à ce fait immuable dont aucun des deux protagonistes n'a encore connaissance, il faut avancer dans le temps, et suivre le fil conducteur des hasards tissant désormais des voies différentes pour nos deux personnages. A la sortie du café, en s'éloignant de la terrasse s'endormant déjà de la tombée de la nuit hivernale, le professeur va recevoir un appel de sa femme, qui va lui faire ralentir son allure, jusqu'à l'arrêt complet, ainsi prostré au milieu du trottoir, il oblige deux passantes à détourner leur chemin, descendre sur la voie, faire quelques pas, remonter sur le trottoir, accélérant le pas comme soudain en retard, elles tombent nez à nez avec l'ami du professeur, venant tout juste de quitter, lui aussi, le café. Leur rencontre sera déterminante. L'une des deux femmes épousera deux ans plus tard l'ami du professeur, et l'un comme l'autre se perderont de vue et ne se retrouveront plus jamais à la terasse d'un bon café...